Une collection vivante
Comme chaque année, de nouvelles œuvres rejoignent les terres de Peyrassol. Pièces monumentales, installations in situ ou coups de cœur, elles contribuent à renouveler sans cesse notre regard sur La Collection Philippe Austruy. En 2022, six nouvelles œuvres complètent ainsi cette collection déjà riche d’une centaine d’œuvres d’art.
Rita Ackermann
Fire By Days XXXVI, 2012
Fire By Days XXXVII, 2012
Puisant son titre dans le poème Le Vide du verre de Roger Gilbert-Lecomte, la série « Fire by Days » tient son origine d’un accident, survenu dans l’atelier de l’artiste, au cours duquel Rita Ackermann dut nettoyer de la peinture renversée au sol à l’aide d’une affiche. Entre maîtrise de la figure et abstraction à l’allure hasardeuse, l’artiste transforme le désastre en un monde puissant aux contours flous.
Josh Sperling
Untitled, 2021
Motif récurrent de l’œuvre de l’artiste américain, le squiggle (gribouillis) prend racine dans les jeux de dessin développés par le psychanalyste et pédiatre Donald Winnicott afin de créer un contact plus aisé avec l’enfant. Quasiment psychédélique, le squiggle tel que le pratique l’Américain à l’aide de l’informatique se déploie au sein d’un vaste réseau de références : les formes douces de Jan Arp ou de Keith Haring, la spécificité du médium de Frank Stella, les motifs du groupe Memphis des années 1980 ou encore, de l’architecture Googie des années 1940…
Osvaldo González
Château Verdure, 2022
Memoria Fragmentada (Mémoire Fragmentée) est une des séries dans laquelle Osvaldo Gonzales explore l’idée de mémoire, dans ce cas en fractionnant l’image et en la portant à grande échelle. Chaque carré contient un niveau de détail et d’information qu’il n’est possible de comprendre qu’en appréciant l’œuvre dans son intégralité. Le Château Verdure est un manoir proche de Paris laissé dans un état de délabrement tragique. L’artiste est attiré par les histoires qui racontent les causes possibles de son abandon et le charme mystérieux de son entrée principale avec son escalier en pierre et son piano à queue poussiéreux. En recréant l’image avec du ruban adhésif, il semble que l’artiste ait voulu piéger un fragment de cette réalité et encapsuler un instant de temps.
Anish Kapoor
Gilgamesh, 2016
L’une des œuvres inédites dévoilées par le plasticien en 2021 à Peyrassol. Cette réalisation viscérale et organique, au coloris rouge vif rappelant l’hémoglobine, constitue une masse primitive et informe, étrange et familière, au seuil de la réalité et du fantasme qui laisse apparaître un caractère étonnamment humain. Depuis les années 1980, les peintures dites « saignantes » font partie de l’œuvre d’Anish Kapoor. La transformation de la matière en chair remonte à la Grèce antique, où souvent les sculpteurs répandaient des gouttes de sang sur leurs créations figuratives pour rendre les blessures plus réalistes. En utilisant le silicone, le pigment pur et la cire malléable, Anish Kapoor provoque une association puissante et passionnée avec le sang et la chair humaine.
Chiharu Shiota
State of Being (Children’s Chair), 2012
Les méandres de fils, comme leur couleur (le noir et le rouge étant exclusivement utilisés), qui emprisonnent cette chaise se lisent comme un tracé de l’inconscient, la projection de sentiments d’angoisse, de peur et d’oppression dont Chiharu Shiota fait souvent état et qui sont palpables dans son œuvre. La toile d’araignée tissée par l’artiste japonaise protège autant qu’elle enferme.
Kader Attia
Gueule cassée, Masque malade #6, 2014
En mettant côte à côte un masque de l’ethnie ouest africaine Mende portant une réparation traditionnelle et une sculpture classique en marbre d’un soldat blessé de la Première guerre mondiale, communément appelée « gueule cassée », Kader Attia aborde les questions de la beauté et des blessures immatérielles, tant au niveau collectif qu’individuel. En effet, plus que la douleur physique que ces survivants de la « Grande Guerre » ont endurée du fait de leurs blessures, c’est la douleur psychologique qui a été la plus difficile à supporter. La dureté du regard que la société pour laquelle ces hommes se sont battus les a très souvent conduits à l’exclusion, parfois à la maladie mentale, voire au suicide. Ce que les sociétés traditionnelles ont conservé, venant des origines profondes de l’humanité, et que l’Occident moderne a voulu effacer, c’est la réalité du fait que nous sommes tous semblables parce que nous sommes tous différents. Le lien qui unit ces deux sculptures, a priori différentes, est le lien qui nous sépare autant qu’il nous lie aux plus anciens âges de l’Humanité.